Et Puerta ne tomba pas

Messages : 360 Date d'inscription : 10/01/2008 Localisation : Strasbourg

Rapport du capitaine Arpago, naufragé de la bataille de Puerta de Plata. Jeudi 28 Février
Vous pouvez directement passer au paragraphe "Deux lignes" pour vous renseigner du déroulement de la bataille.
C'est quand même dingue ce que les insomnies peuvent vous faire écrire. Rolling Eyes

[21h] Préparatifs
Les derniers voyages pour San Juan furent rudes. L’ensemble des capitaines répondant à la couronne d’Espagne eurent été sollicités aux récents combats animant les côtes de Puerta de Plata la veille et seuls les plus tenaces d’entre eux pouvaient encore nous comter leurs multiples affrontements. Affamés et meurtris, les chefs de navire furent conviés à une réunion de haute priorité à l’amirauté de San Juan, en vue de désigner les plus braves de tous pour en découdre d’une bataille contre les Français qui s’annonçait d’ores et déjà macabre. Huit capitaines s’alignant à notre société figurèrent parmi les 40 espagnols assistant à cette réunion exceptionnelle, cinq d’entre eux seulement ne pourront réellement hisser le drapeau espagnol lors de la bataille qui s’annonçait de plus en plus vivement.
La désignation fut interminable, et même la plus élégante de nos confrères marchands, Dame Betelgeuse DeepRed ne put s’empêcher de lâcher un petit cri, étouffé dans la pagaye générale qui régnait, s’apercevant de sa non désignation. Ce fut non-moins pénible pour les élus, qui, la peur au ventre, sortaient de la salle en chancelant. C’est ainsi que moi-même, Allari Arpago, et quatre autres braves espagnols de ma société furent désignés et contraints à se joindre à la flotte espagnole stationnant devant Purta de Plata.

[21h20] Le voyage
Une fois remonté sur ma coque usée par mes derniers affrontements, un certain mal-être régnant à bord de mon bateau était palpable. En effet, la bataille tombait au plus mauvais angle de la roue économique, il était prévu d’emporter ma légendaire « Stralsund », rouée de trous et aux canons instables en réparations le soir même, et une nouvelle frégate devait venir remplacer mon rafiot après la bataille. Bah ! Ces matelots devront d’abord apprendre à mener cette bataille à bien avant de mériter plus confortable bâtiment, lançais-je maladroitement à haute voix sur la proue.
Mon équipage me dévisagea, j’aurais certainement fini en petits cubes ciselés au coûtelas si je n’avais pas fait feu à l’offensive de mon sous-officier, dès lors invalidé à la jambe par ma réponse. L’heure était au départ et nous durent quitter nos amis et confrères de San Juan les sens bouleversés. Je sentais que l’ambiance à bord était de la pire des natures, aussi, songeais-je à résoudre ce problème de manière habile. Le vent nous faisait face pour parvenir jusqu’à Puerta de Plata, et les navires n’avaient aucun mal à communiquer les uns les autres à l’aide de chaloupes. Alors je me souvins de ce que m’avait comté mon collègue Don Juan de Ayolas, à propos de cette île, si favorable au développement de petits singes farceurs et machiavéliques. Je me souvins également que celui-ci en avait vendu cinq cages pleines pour un prix dépassant l’entendement au corsaire Gungir de Ran qui se trouvait être à peine à 40y à ma gauche pendant les préparatifs, lui soutenant que cela portait chance. Je glissai alors discrètement à bord d’une chaloupe et chaparda une des caisses de mon confrère, pour la laisser s’entrebâiller au beau milieu de la cale de mon navire. Mes marins, qui avaient eu vent de ces superstitions y virent là une grâce provenant d’Hermès lui-même et vinrent trinquer dans ma cabine avec le meilleur rhum dont nous disposions. Nous étions enfin prêts, et déjà, la côte française se profilait dans nos jumelles.

[21h40] Deux lignes
L’agitation était palpable devant Puerta. La nuit était belle mais perturbée par le vent, et les 24 commandants espagnols commençaient à parlementer de leur stratégie devant les fumées débordant des forges aurifères du port ennemi. Les vingt-quatre capitaines se retrouvèrent dans la cabine du Général que la marine espagnole avait sollicité, Archibald Suero. Tout le monde était anxieux et personne n’osa prendre la parole, les discussions furent vite balayées, et il fut décidé de promouvoir Archibald Suero et Edward des Old Black Flag, comme chefs de bataille. Toutes les sociétés représentées dans la bataille prirent position dans l’une des deux flottes menées par les deux amiraux. Les flottes ayant déjà pu s’avancer vers le port, la posture de nos ennemis était visible aux jumelles, et on ne tarda pas à observer une large ligne défensive barrant le canal menant au fort.
Deux lignes de bateaux espagnols s’avancèrent vers la seule ligne ennemie : L’une, composée de quelques vaisseaux de ligne et de nombreux bâtiments offensifs brandissant l’étendant des Maréchaux du Roy et de l’Escuadra Real de Reconquista, prit cap vers la gauche de la ligne ennemie, la plus fournie en vaisseaux lourds, et aussi la plus proche du fort convoité. L’autre, moins importante en nombre et en résistance, brandissant l’étendard des Old Black Flag et des Disciples d’Hermès navigua vers la droite de la ligne, plus fragile et globalement moins organisée.

[22h] Le goût du métal et de la poudre
Les premières offensives espagnoles furent perpétrées par la ligne de droite, avec beaucoup de succès. 3 bateaux ennemis étaient pourfendus alors que je n’atteignais toujours pas la ligne ennemie de mes canons latéraux. Les succès s’enchaînèrent, et rapidement, la désorganisation fut totale à droite de la ligne ennemie, notre propre flotte ne déplorant alors qu’un seul naufrage (celui de notre commandant, Edward). Ces succès furent de courte durée : une fois la ligne ennemie désorganisée nous eûmes alors un instant de répit pour scruter la partie gauche du combat, qui s’annonçait beaucoup plus serrée, et qui ne tarda pas à donner l’avantage aux Français. Ainsi, 15 de nos navires périrent en un court labs de temps, sans pour autant laisser des pertes à déplorer côté Français. La ligne de droite rejoignit la ligne de gauche trop tard, et nos navires furent rapidement encerclés puis assaillis. Le tournant de la bataille était arrivé, il était temps de se battre pour l’honneur.
Les tirs fusaient dans tous les sens, et un homme de mon vaisseau se faisait fusillé d’un boulet en plein flanc à chacune de mes respirations. Je dus moi-même aidé à poser les emplâtres sur mon armature pour ne pas constater la perte pure et simple de toute flottaison. En moins d’une trentaine de secondes, mon bateau était à l’agonie et les trois quarts de mes hommes étaient morts. Soucieux de ma propre vie, je pris mes dernières balles de pistolet dans un bocal et plongea tête la première dans l’océan de feu et de métal. Ironie du sort, ma tête rencontra l’un des débris du navire français qui m’assaillait juste précédemment et la commotion, violente, me fit perdre connaissance, me laissant choir sur une planche de chêne, à la dérive, au milieu de ce spectacle qui ne tarderait pas à s’achever.

[23h] Le glas sonne à Irish Point
Me réveillant à peine d’un coma très tumultueux où je ne ressentais que la douleur de mes membres et les tambourinements de ma boîte crânienne, je sentai d’abord l’odeur désagréable et très familière à mon équipage de la sueur mélée à la poudre. Ouvrant timidement les yeux, je m’aperçus être accroché sur le mât d’un navire français, au milieu d’un équipage bombardant une offensive espagnole. La bataille n’aurait alors pas tourné comme je l’eus présagé avant ma chute ?! Scrutant l’horizon dont je disposais, j’eus beaucoup de peine à reconnaitre les lieux de la bataille. Ce n’est qu’après que le navire français qui me portait s’ébranla que je puis me libérer de la mâture pour, une nouvelle fois sauter à la mer. Avec plus de chance cette fois-ci, je pus m’accrocher à un morceau de mât fraîchement dépossédé du navire français pour rejoindre l’équipage espagnol victorieux. Déclinant mon identité au capitaine espagnol, m’ayant d’abord pris pour un néerlandais à la couleur de mon manteau, je sus enfin que les espagnols avaient attaquer de nouveau les français à Irish Point cette fois-ci, suite à leur défaite à Puerta de Plata. Je pris alors congé dans les appartements du navire et, entendant les bruits sourds de la bataille faisant rage sur le pont tout me faisant soigner mes blessures plus que vilaines, il me sembla alors utile de vous raconter mon périple.